Il y a un membre du gouvernement qui s'insurge contre la Une des
Inrocks.
Il y a ce commentaire de mes
collègues sur l'auteur d'une agression verbale, avant-hier, dans nos locaux.
Pauvre Justice, et pauvre
Démocratie.
Marlène Schiappa est membre du
gouvernement et chargée des droits des femmes. Je ne pensais pas que ça
déconnectait les synapses.
Elle s'insurge contre la
présence de Bertrand Cantat en Une des Inrocks. Vu qu'il est chanteur, et qu'il
vient de sortir le premier extrait de son nouvel album, on va dire que c'est assez
naturel. Oui, mais Bertrand Cantat a tué sa compagne, Marie Trintignant.
La mort d'un être humain est
toujours un drame.
Bertrand Cantat a été jugé.
Condamné. Il est allé en prison. Il y est resté plusieurs années. Il est
sorti de prison.
Il ne peut pas réparer ce qu'il
a fait car il a pris une vie et ne peut pas la rendre. Et j'aimerais au passage
que les Inrocks publient en Une le lumineux visage de Marie Trintignant
pour qu'on n'oublie pas qu'elle est morte parce que les poings de son compagnon
l'ont tuée. Et mes pensées vont aussi à ses proches, dont la peine ne peut qu’être
ravivée en voyant son agresseur dans la presse.
Selon la justice des hommes,
Bertrand Cantat a a purgé sa peine.
Réclamer, ou pire, appliquer un
châtiment supplémentaire, c'est bafouer la justice de la République. Soit la
peine infligée a du sens et les lois qui garantissent nos libertés et nos
droits fondamentaux sont suffisantes. Soit on peut lyncher comme on pendait,
haut et court, des coupables que personne n'a jamais jugé, c'est-à-dire des
innocents si nous croyons en la justice.
De mon point de vue, on ne peut
pas être membre d'un gouvernement démocratique et ignorer le troisième
pouvoir.
L'agresseur de mes collègues
est un ancien détenu, et il a des antécédents psychiatriques. Deux passages (la
taule et l'asile) qui vont souvent ensemble dans une biographie, et qui collent
à la peau d'un individu comme la tunique de Nessus. Cet homme a perdu son calme
et rien n'excuse la violence des propos qu'il a tenus... hormis justement ce
passé chaotique qui le condamne dans nos bureaux. On m'a reproché mon
indulgence quand j'ai demandé aux uns et aux autres de modérer leurs
expressions. Cet homme ne retournera pas en prison pour ce qu'il a dit, même si
c'était violent.
Et surtout, il n'est pas ce
qu'il a dit ou fait. Il est un individu complexe. Je ne préjuge pas qu'il soit
bon ou mauvais, meilleur ou pire. Il rencontre des difficultés sans
nombre du fait de son parcours. Je ne sais pas si, au fond, c'est un chic type
ou un sale con. J'imagine qu'il passe de l'un à l'autre comme chacun d'entre
nous. Lui, il a pété les plombs, ne le condamnons pas pour ça. En dehors d'un
tribunal, aucun d'entre nous n'en a le droit.
Il est de la responsabilité de
chacun d'entre nous de ne pas rejeter ceux qui ont commis des actes
répréhensibles et en ont payé le prix. Nous ne fabriquons, avec ce rejet, que
plus de violence. Pour ceux que j'ai aidé à retrouver un bout de vie au bout de
leurs barreaux, pour ceux dont le passé préfère être ignoré, parce qu'ils ne se
réduisent pas à ça.
There’s a member of governement who
is protesting against the front page of les Inrocks.
There’s this comment from my
coworkers about the author of an insult, the day before, in one of our
agencies.
Poor Justice and poor democracy.
Marlène Schiappa is a member of the
governement and she’s in charge of women rights.
I didn’t think it was deconnecting
synapses. She’s against Bertrand Cantat on the front page of les Inrocks. As
long as he’s a singer and just released the first single of his new album, we
can say it’s normal. Yes, but Bertrand Cantat killed his girlfriend, Marie
Trintignant.
The death of a human being is always
a tragedy.
Bertrand Cantat has been on trial.
Convicted. He has been in prison. He has spent few years there. He has been
released.
He can’t fix what he has done,
because he has taken a life and he can’t give it back. And I’d like, actually,
les Inrocks publishing a front page with the sunny face of Marie Trintignant
for us not to forget she died under her boyfriend’s fists. And my thoughts go
to her relatives who are sad to see her attacker in a newspaper.
As for human justice, Bertrand Cantat
has served his prison sentence.
Claim for or, worse, sentence to a
additional punishment, is flouting justice in a republic. Either the sentence
has a meaning and the laws that protect our fredom and our fundamental rights
are adequate. Either we can lynch as people used to hang high, guilty ones who
never seen a trial, so to say, innocents if we believe in justice.
On my point of view, you can’t be a
member of democratic governement and be blind to the third power.
My coworker’s attacker is a former
prisoner, and he has psychiatric background. Two steps (prison and asylum) that
often come together and are glued to him as Nessus tunic. This man loose it and
nothing excuses his insults… except this chaotic past which is sentencing him
in our office. I’ve been blamed for my indulgence when I asked for milder words
about him. This man won’t go back to prison for his insults, even if they were
harsh.
And more, he’s not what he has said
or done. He’s a complex individual. I don’t jump to conclusions, is he good or
evil, better or worse. He might be in huge trouble with his past. I don’t know
for sure if he’s a nice guy or an asshole. I guess he goes from the first to
the second, as we do all. He did loose it, don’t we sentence him or this.
Outside a court, nobody has the right to do this.
We all have responsability for rejecting
those who did evil and paid the price for it. We only make more violence with
this reject. For those I helped to find a piece of life at the end of the bars,
for those whose past is better ignored, because they are not only their past.
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